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Les valeurs fondamentales dans une perspective chrétienne

 

 

 

 

Que sont des « valeurs fondamentales » ?

 

Qui dit « valeurs », dit repères fondamentaux, normes, convictions, attitudes, traditions véhiculées par des sociétés, des communautés, des cultures ou au travers de modes de vie particuliers. L'ensemble de ces éléments forme un système qui sert de fondement commun aux sociétés complexes et plurielles. Toutes ces valeurs se confirment ou se transforment au fil de situations concrètes. Les valeurs fondamentales constituent en quelque sorte le « noyau dur » de ce système, c'est-à -dire ce qui, dans la base commune, est reconnu et partagé par tous et reste particulièrement stable. Les valeurs fondamentales ne naissent pas de rien ; elles reposent sur des préalables incontestés (les valeurs premières), lesquels s'expriment dans une vision spécifique du monde et de l'Homme. De plus, elles déterminent nos façons d'agir.

Les valeurs fondamentales sont donc les jalons culturels communément admis et partagés dans une société. Elles constituent le terrain sur lequel peuvent grandir la confiance et l'engagement réciproque nécessaires pour se mouvoir et agir au quotidien dans un cadre structurant et ordonné. Elles n'ont besoin d'aucune légitimation particulière, car elles s'imposent du seul fait d'être largement partagées et intériorisées par les divers acteurs sociaux, qui forment ainsi une « communauté de valeurs ». Aussi diverses que puissent être leurs opinions et leurs convictions au moment d'agir concrètement, aussi secondaires sont-elles par rapport aux valeurs fondamentales qui animent ces mêmes acteurs et autour desquelles ils s'accordent toujours plus ou moins. Ces repères profondément intégrés forment le fondement ou le ciment normatif des sociétés pluralistes. Relevons que la nature des valeurs partagées est beaucoup moins importante que le fait qu'elles le soient. 

Les systèmes de valeurs agissent sur la société de deux manières. D'une part, ils constituent des conditions initiales indispensables pour l'émergence d'une entité sociale. D'autre part, en jouant ce rôle « d'amorce communautaire», ils contribuent également à  l'émergence des règles et des critères d'appartenance ou d'exclusion au travers desquels se définira cette société. Ainsi en va-t-il des valeurs dites « occidentales » sur lesquelles se fonde notre société. Bien qu'ayant beaucoup perdu de leur signification, elles redeviennent tout à  fait centrales dès qu'il s'agit de s'opposer à  la construction de mosquées et de minarets, symboles par excellence de religions étrangères. Les valeurs ont force de loi morale - pas parce qu'elles sont intangibles en soi, mais parce qu'elles sont largement partagées et qu'elles conditionnent nos convictions et nos actes. Lorsque ces repères ne sont pas remis en questions ou absolutisés, ils génèrent aussi l'exclusion.

Toute réflexion sur les valeurs auxquelles s'identifie une société doit prendre en considération cette ambiguïté fondamentale. Les débats actuels autour d'une culture prétendument dominante, sous lesquels se profile une vision du monde néo­colonialiste, doivent nous inciter à  aborder ces questions avec discernement. Toute discussion éthique menée dans un système de pensées fermé sur lui-même présente de risques d'idéologisation. L'enjeu majeur d'une brochure consacrée à  des valeurs fondamentales est ainsi clairement situé. Il ne peut en aucun cas s'agir de principes normatifs émanant uniquement d'une instance dirigeante. Ce serait tout à  fait contraire au fonctionnement consensuel des sociétés libérales et pluralistes, fondé sur l'égalité des droits et sur la libre expression. Dans ces sociétés, les divergences ou les convergences de vues ne se traitent pas à  l'aune de différentes hiérarchies de valeurs pré-établies, mais sur le mode de l'argumentation rationnelle et de la participation de tous. Ce type de fonctionnement social implique toutefois une large adhésion à  certaines convictions éthiques fondamentales - sans quoi il ne peut être mis en pratique.

Les valeurs fondamentales dans une perspective chrétienne

Du point de vue chrétien, il existe deux points d'ancrage essentiels.

En premier lieu, l'interdiction de fabriquer des idoles posée dans l'Ancien Testament (Exode 20.4). Si on interprété ce commandement comme l'interdit fondamental dé toute tentative d'enfermer dans une image immuable l'Homme, lui-même image de Dieu, il peut être considéré comme une préfiguration de l'idée moderne de dignité humaine. Ce qui fait la dignité particulière de chaque être humain ne se laisse pas définir une fois pour toute et ne doit pas l'être, car c'est précisément cette irréductibilité qui donne à  la dignité humaine sa dimension universelle.

Ou, comme le relevait Max Frisch dans un passage de son Journal 1946-1949, ne pas se faire d'image de Dieu signifie aussi ne pas se faire d'image de lui en tant que Vie présente en chaque être humain, dans ce qu'il a d'insaisissable ; or, dit-il, c'est un péché que nous ne cessons pratiquement pas de commettre encore et encore -comme d'autres l'ont commis à  notre égard.

Le second de ces ancrages se trouve dans la vie et l'action de Jésus, qui est particulièrement attentif à  ceux et celles que l'on qualifie aujourd'hui d'invalides. Au sens littéral, in-valide signifie qui n'a pas de valeur. Lorsque Jésus entre en relation avec ces personnes, il ne fait pas que relativiser les normes sociales existantes - il va carrément jusqu'à  les dévaluer. La radicalité avec laquelle Jésus lui-même fait l'expérience du partage existentiel et invite les humains à  le faire aussi conduit nécessairement à  une remise en question fondamentale de toutes les valeurs communautaires qui ont pour fonction d'exclure et non de rassembler.

Par conséquent, mener une réflexion chrétienne sur des valeurs fondamentales revient toujours à  passer les repères normatifs communément admis au crible de cette critique essentielle. En effet, cautionner des valeurs exclusives ne ferait qu'apporter de l'eau au moulin de ceux et celles qui s'unissent pour exclure. Autrement dit, il s'agit d'étudier ces repères normatifs en mettant en avant ce qui favorise aussi bien la construction identitaire que la capacité d'expression et l'ouverture « incluante » dans les relations sociales ou communautaires et dans le dialogue interculturel et interreligieux. Dans une société ouverte, le « tissu normatif » ne doit pas être trop serré. Sa perméabilité, respectivement son ouverture, s'évalue surtout à  l'accueil réservé à  tout ce qui est étranger et aux étrangers eux-mêmes. Cette attitude fondamentale, qui imprègne la tradition judéo-chrétienne dès ses débuts, s'exprime dans la déclaration de foi que le peuple d'Israël adresse à  Dieu : « Mon ancêtre était un Araméen errant ; il s'est rendu en Egypte et y a d'abord séjourné avec le petit groupe de gens qui l'accompagnaient. Ceux-ci ont formé par la suite une grande nation, puissante et nombreuse. » (Dtn 26.5b)Présenter les « Valeurs fondamentales du christianisme» dans cette perspective, c'est contribuer à  la cohésion sociale, en proposant un nouveau regard sur ce qui est spécifiquement nôtre, dans une attitude fondamentale d'ouverture à  ce qui vient d'ailleurs. Se réapproprier ces valeurs sous cette forme renouvelée ne consiste pas à  se centrer sur leur visée évangélisatrice, mais à  esquisser - à  partir de la tradition chrétienne - un cadre communautaire inclusif plutôt qu'exclusif. En effet, ce n'est pas d'une image toute faite que peut se nourrir une véritable réflexion éthique, mais du cheminement commun des multiples peintres d'un tableau en perpétuel devenir.

de: FEPS Position 7, Les valeurs fondamentales, p. 5ff. La publication peut être demandée sur www.sek.ch/shop ou téléchargée gratuitement

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